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Désargence.over-blog.com

Un grand saut dans l'inconnu...

1 Janvier 2020, 10:23am

 

                Les testaments de l’Ancien Régime commençait souvent par le préambule suivant : “Considérant qu'en ce monde il n'y a rien de plus certain que la mort ni de plus incertain que l'heure d'icelle…” En paraphrasant cette formule, on pourrait dire qu’en ce monde, rien n’est plus certain que la fin de notre civilisation marchande ni plus incertain que l’heure d’icelle, que l’élément qui la déclenchera. Il se peut que l’effondrement soit initié par une crise financière majeure, par la fin des insectes pollinisateurs, par le réchauffement climatique, par une soudaine volonté populaire, par la multiplication des alternatives systémiques, par des découvertes technologiques facilitant la transition ou au contraire accélérant la chute,  encore plus puissantes que celle du numérique… Il est possible que le capitalisme fasse l’erreur de trop qui le rende définitivement insupportable. Le drame du capitalisme était traditionnellement l’exploitation de l’homme considéré comme outil de production. Le drame futur du capitalisme pourrait bien être d’avoir rendu l’homme inutile, superflu, même en tant que consommateur. Le capitalisme pourrait alors de retrouver comme le gagnant du jeu du Monopoly : sans autre joueur à qui louer ses maisons et sans usage de sa montagne de faux billets, aussi perdant que ses concurrents.  Il se peut aussi qu’une troisième guerre mondiale nous contraigne à tout remettre à plat et à innover… Combien de temps ce capitalisme va-t-il subsisté en état de mort cérébrale, de coma dépassé, nul ne peut le dire. Mais la mort institutionnelle reste aussi  certaine que la mort de tout être vivant.

                Et dans ce cas, la thèse de Frédéric Lordon considérant l’argent comme l’incontournable moyen d’assurer notre reproduction matérielle pourrait bien voler en éclat devant les faits. Contrairement à ce qu’il défend dans son livre “Vivre sans ?”, d’autres formes d’institutions, de police, de travail, de moyens de diviser ce travail, existeront en remplacement des anciennes formes. Les passages des chasseurs-cueilleurs aux paysans, des nomades aux sédentaires, des clans à la cité, de l’oral à l’écrit, de la tribu à l’État, etc., sont bien connus des anthropologues et historiens mais on aurait du mal à trouver des exemples d’un “sans” quelconque qui ne soit pas aussitôt remplacé par un “autrement”. Même l’idée de Créateur et d’un  arrière-monde est, face à l’athéisme, aussitôt remplacée par une éthique, une spiritualité rationaliste. Vouloir croire en Dieu ne signifie pas ne plus croire en rien, croire au big bang ne signifie pas faire de la science une religion. Vouloir éradiquer l’argent n’empêche pas les tentatives désespérées d’échapper à notre statut de mortel conscient, quand bien même cela entraînait un changement de paradigme quant à notre rapport à la mort…

                On ne peut pourtant nier que le passage d’une société marchande à un monde a-monétaire représente un grand saut dans l’inconnu. Qui aurait pu imaginer les implications concrètes du passage de la traction animale à la machine à vapeur ? Qui se serait douté que les recherches d’un Alan Turing, uniquement destinées à décrypter le code allemand Énigma, aboutiraient aux smartphones, aux big-datas, aux GAFAM ?...  Qui peut concevoir  aujourd’hui ce qu’une disparition de l’argent entraînerait demain de bouleversements individuels et collectifs ?...

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