L'éternelle nature humaine...

                Ah, l’argument de la nature humaine, de l’homme qui serait un loup pour l’homme ! Il n’est pas un débat, une discussion sur la société où cet argument ne s’invite. C’est principalement vrai quand il s’agit des rapports de domination. Argent ou pas, Il y aura toujours des femmes battues ou violées, des enfants maltraités, des hommes exploités, des tricheurs qui abuseront des plus crédules. La raison du plus fort est toujours la meilleure…, nulle épée n’est plus dangereuse pour l'homme que sa propre cupidité…, la jalousie et l'amour sont frères et sœurs…, nous connaissons tous ces proverbes qui essentialisent gaillardement les travers humains en oubliant l’influence culturelle de la société qui les entoure.  

                Une femme battue resterait-elle longtemps dans son foyer si elle avait un libre accès au logement, à la nourriture, aux soins ? Un adolescent en rupture avec ses géniteurs hésiterait-il à se trouver une autre famille plus conciliante ? Les pervers, les dominateurs excessifs, les manipulateurs, perdraient vite l’objet de leur désir qui fuirait aussitôt en d’autres lieux moins hostiles, qui fréquenterait  des gens plus sympathiques. Sous quel motif un homme arriverait-il à assujettir une femme au point de la prostituer ? Hors de tout rapport hiérarchique, le harcèlement sexuel ou moral serait rare en l’absence d’emploi à protéger, d’avantages en nature, de promotion canapé.

                Cela ne veut pas dire que l’homme deviendrait subitement bon et naturellement pourvu d’empathie. La maladie mentale, les pulsions de mort, les passions tristes, la cupidité, la soif de puissance, tout cela n’a pas besoin d’argent pour s’exprimer. Simplement l’argent facilite ces tendances alors que l’accès les contrarie. Sans l’argent, l’escroc ne deviendra pas honnête par conversion mais faute d’imagination suffisante pour trouver matière à escroquer. Sans argent l’assoiffé de puissance n’abandonnera pas sa quête, mais il sera limité, isolé, la plupart du temps ridicule. Les Jarawas, peuple des îles Andaman, l’ont bien compris qui offrent à ceux-là des postes honorifiques aussi grandioses qu’impuissants. Une fois posé sur un trône et muni de symboles de puissance ridicules, le candidat au pouvoir perd toute velléité et rentre dans le rang, ou s’il persiste, il accepte le ridicule d’un pouvoir factice.