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Désargence.over-blog.com

Keynesien ou Distributiste

25 Novembre 2019, 15:46pm

                Pour John Maynard Keynes (1883-1946), le marché seul ne peut tout réguler. Il préconisait donc l’intervention de l’État pour éviter une concentration excessive de la richesse et l’appauvrissement de la masse consommatrice. De là à imaginer un État “providence” ou  a minima “interventionniste” il n’y a qu’un pas. Il traine dans cette idée de régulation une vision économique symbolisée par le “gâteau” (en terme économique la demande agrégée). Les ressources de la planète et l’industrie des hommes constituent le gâteau qu’il suffirait de bien partager pour que nul ne manque de l’essentiel. Cette idée a été finement développée par Jacques Duboin (1878-1976) sous le vocable de “Distributisme”. Sa construction théorique avait tout pour plaire, aux néokeynésiens comme aux communistes en passant par les socialistes, et à tous ceux qui rêvaient d’une économie à visage humain, mais elle n’a jamais dépassé le stade de la proposition.

                L’idée de redistribuer aux pauvres ce que les riches ont en trop est pourtant vieille comme le monde. Le système du “jubilé” dans la Bible, qui chaque cinquante ans remettait tout à plat et redistribuait les biens entre tous, procédait de la même vision idyllique. Les pires capitalistes eux-mêmes intègrent une forme de redistribution qu’ils nomment “ruissellement”. Des miettes tombent toujours des fenêtres des riches sur le bas peuple reconnaissant[1] et plus les riches sont riches plus les miettes sont conséquentes.

                Mais une telle unanimité à approuver une forme quelconque de partage n’a jamais produit de société égalitaire, ni même de société inégalitaire mais sans miséreux. De Keynes à Lordon en passant par Duboin, dans les configurations communistes autant que libérales, dans l’antiquité comme aujourd’hui, du nord au sud et de l’est à l’ouest, il y a toujours eu des gens crevant de faim et d’autres d’indigestion.

                On ne peut s’empêcher de penser alors que dans tous ces cas, quelque chose a été oublié, quelque chose d’essentiel, un obstacle qui inéluctablement nous ramène à l’impasse. Pour les uns, c’est la nature humaine qui est ainsi faite. Les pulsions de mort pervertissent les meilleurs et contrarient les plus beaux idéaux. Pourtant, nous avons quelques exemples de sociétés n’ayant eu aucun problème de partage du gâteau, tels les Inuits, les Jarawas, les Sans, quelques ethnies amérindiennes, du moins avant l’arrivée du Blanc civilisé. N’étaient-ils donc pas humains ? Si proches de la nature qu’ils en aient gardé le conditionnement animal ? Auraient-ils préservé le bien vivre de tous au prix d’un primitivisme consternant, d’une barbarie emplie de cruauté ?

                On aurait pu constater que tous ces peuples n’ont pas fait le choix de la marchandisation généralisée, de la recherche individuelle de profits, de l’exploitation outrancière de la nature et de leurs semblables. Que ces peuples aient chacun leur part d’ombre est évident, mais nous avons aussi la nôtre, bien visible depuis l’impasse économique et environnementale d’où nous les observons avec condescendance. Leur part de lumière serait peut-être utile au moment où l’on parle d’effondrement global…  

 

[1] D’où l’expression “jeter l’argent par les fenêtres”

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