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Désargence.over-blog.com

Des comités de conciliation…

7 Décembre 2019, 16:54pm

Publié par Jef

                Dans les débats sur les possibilités de construire une société a-monétaire, la question des conflits arrive systématiquement, soit que l’on nous reproche d’évacuer les inévitables dissensions entre individus ou groupes, soit que l’on oppose que sans argent, il ne peut y avoir de police et d’armée et que notre société serait très vite en guerre perpétuelle. Il n’y a pas de société sans conflits personnels, communautaires ou nationaux. Mais l’abolition de l’argent n’exclut pas le droit et des organismes de régulations et de résolutions des conflits, quel que soit le niveau où ils apparaissent.

                Certes, le droit actuel est fondé sur l’argent, la propriété privée, l’État, la justice, la police dans une logique qui serait vite mise à mal hors d’un cadre marchand. Se passer de l’argent impliquerait de refonder l’intégralité du droit. Nous avons cependant des exemples de systèmes qui ont fonctionné parallèlement à la justice classique et qui peuvent imaginer un autre droit, d’autres pratiques de prévention, de répression, de recadrage. Ce sont ces anciens systèmes aujourd’hui disparus qui nous ont donné l’idée d’imaginer ce que nous appelons les “Comités de conciliation”.

                Sous l’ancien régime, il existait par exemple la pratique des “témoins amiables” que l’on retrouve dans les registres des notaires. Quand une personne décédait sans avoir rédigé de testament et que plusieurs héritiers contestaient le partage des biens, on procédait à un inventaire extrêmement précis de tout ce que contenait la maison du défunt. Chaque partie en conflit se choisissait deux témoins amiables qui devaient être approuvés par la partie adverse et qui contrôlaient l’exactitude de l’inventaire, négociaient la valeur des parts ensuite constituées jusqu’au moindre bout de fer, vêtement, vaisselle et outils usagés, et le notaire notait dans son registre l’intégralité de la procédure qui alors prenait valeur de loi et ne pouvait plus jamais être contestée.

                En août 1790, ont été créés les tribunaux de Paix chargés de régler les conflits entre particuliers avant qu’ils dégénèrent et aboutissent dans une juridiction ordinaire. Le juge de paix était élu par les citoyens actifs du canton sans référence à une quelconque formation juridique, mais sur des critères d’objectivité et de bon sens, sur une réputation globalement reconnue par la communauté. Le juge de paix n’avait aucun pouvoir judiciaire, aucun moyen de coercition, et pourtant, les jugements rendus étaient généralement respectés et rares étaient les conflits qui se poursuivaient devant une véritable juridiction. Il est vrai qu’à l’époque, la justice était couteuse, réputée partiale, aussi rude avec les humbles que laxiste avec les puissants, et surtout très lente. (Est-ce bien différent aujourd’hui… ?)

                Donc, imaginons que demain, faute de salaire, les professions de procureur, juges, avocats tombent aussi en désuétude et que nous reprenions ces exemples anciens pour reconstruire une justice non professionnelle mais garante d’un droit d’usage reconnu par tous. Qu’il s’agisse d’un conflit entre deux particuliers, entre deux communautés ou deux Pays, le problème reste techniquement le même et seul change la complexité du sujet.

                Concrètement, le juge et ses assistants pourront être récusés au moindre conflit d’intérêt et remplacés par des personnes complètement extérieures à la communauté des parties, mais réputés fiables et acceptées par les témoins amiables choisies comme témoins par les deux parties  en conflit, ce que ne peut faire des justiciables actuels. Si l’on passe à des conflits entre groupes importants, entre des parties au rapport de force inégal, et a fortiori s’il s’agit de régler un conflit entre deux nations, la juridiction devra se complexifier, se munir de garantie, de moyens d’enregistrement des actes, d’expertise, etc. Mais qualitativement, le principe serait le même.

                Il est toujours amusant de constater qu’il y a toujours un quidam dans l’assemblée qui nie toute possibilité de contraindre un pays entier à un consensus, y voit de l’utopie caractérisée, comme si la justice et les négociations internationales actuelles en étaient plus capables. Combien de conflits l’ONU a-t-elle réellement évité ? Combien de négociations se sont soldées par rancœurs uniquement solubles dans une autre guerre (traité de Versailles), ont été dénaturées puis annulées par l’une des parties (Israël et Palestine au Camp David), voire carrément réglées sur le dos de tiers non conviés et impuissants (conférence de Yalta, la ligne Sykes-Picot, etc.) ?

                Ce qui semble impossible quand les profits financiers entrent en jeu, paraît bien plus simple quand le seul enjeu est de déterminer qui a tort ou raison, quelle solution est la plus juste, quel moyen terme est possible face à deux intérêts différents sont opposés, quelle compensation peut être accordée à celui qui accepte de perdre pour le bien commun…, et ce entre deux individus ou entre plusieurs nations.  

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