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Désargence.over-blog.com

ABÉCÉDAIRE Lettre I

1 Décembre 2019, 14:59pm

I

Imaginaire : Dans la période prérévolutionnaire, l’imaginaire des peuples était en panne et aucune alternative crédible n’émergeait. L’économiste Serge Latouche lança l’idée d’une décolonisation de l’imaginaire. L’expression était floue, rien ne disait comment cette décolonisation pouvait s’opérer, mais elle eut du succès. La colonisation des cerveaux par la publicité, par les médias mainstream qui assénaient sans cesse les mêmes idées reçues, les mêmes préjugés et présupposés du capitalisme, était si évidente !

                C’était un simple habillage de l’injonction de Pierre Rabhi (réveillez vos consciences), mais un habillage astucieux. Qui accepterait d’être colonisé ? Si la conscience de Rabhi réclamait un effort personnel, une ascèse, un travail sur soi comme il aimait à dire, avec Latouche, la responsabilité était reportée sur le colonisateur. Ouf !

                Le problème de la décolonisation de l’imaginaire, c’est qu’en dehors du constat et de la révolte légitimée, on ne voyait pas bien qui était vraiment le colon et vers quelle indépendance on allait se diriger. Les collectifs militant pour une désargence eurent plus de succès en augmentant l’expression par une décolonisation de l’imaginaire monétaire. Là, c’était un peu plus précis tout en restant global. C’était bien de l’argent, cet outil qui impactait tous les aspects de la vie sans aucune exception, qu’il fallait se décoloniser. Il s’agissait de se désintoxiquer des principes capitalistes tendant à nous faire croire que l’échange marchand était inévitable, le salariat une nécessité, la dette un progrès, l’austérité un bienfait, l’écologie un piège à Bobos !  Les sociétés sans argent avaient été décrites dans plusieurs ouvrages alléchants, les collectifs avaient produits des études montrant que les problèmes de l’époque seraient aisés à résoudre sans l’argent, chose impossible avec lui. On pouvait donc mettre un contenu à ce “topos”, annoncé dans l’utopie mais pas encore expérimenté.

                Il faut ajouter à cela les expériences des ZAD qui s’étaient multipliées aux quatre coins de la planète. Celle de Notre Dame des Landes a beaucoup fait pour faire entendre que le système marchand était bouché et inhumain alors que l’on pouvait très bien vivre sans recherche de gain, sans concurrence ni hiérarchie. Le gouvernement français de 2018 avait bien compris que ces Zadistes étaient en train de décoloniser leurs contemporains. Sinon comment expliquer que l’on envoie 3 000 gendarmes armés de grenades anti émeutes, de chars et de bulldozers, pour chasser 200 zadistes, et en plus sans succès ?! 

       

Impasses : Rue sans issue, position ou situation qui ne présente pas d'issue favorable, partie du programme d'une interrogation que l'élève s'est dispensé d'apprendre, espérant échapper à la question…, nous disait jadis les dictionnaires. C’est ce mot qui caractérise le mieux la situation dans la fin de la civilisation marchande. Les impasses dites structurelles se sont amoncelées rendant inopérantes toutes les solutions classiques et suscitant une nouvelle science, la collapsologie !

                L’impasse politique, disait l’écrivain sociologue Mustapha Kharmoudi, c’est qu’“en critiquant le capitalisme sous tous les angles et sous toutes les formes, les points de vue aboutissent toujours au même résultat : renforcer le capitalisme”. Il en était de même pour les impasses climatiques, écologiques, économiques, démographiques, industrielles, commerciales…, chaque solution proposée ne faisait que renforcer une autre impasse.

                Le temps politique, c’est-à-dire le temps d’une législature ou d’un mandat était trop court pour qu’une solution durable soit appliquée à des problèmes relevant par définition du long terme… “Le changement radical ne viendra pas du centre du capitalisme. D'où ce constat aussi terrible que blessant : le système ne pourrait jamais être changé radicalement de l'intérieur, de son centre comme le prétendent ces théories qui avaient forgé les convictions les plus enracinées en moi” insistait Kharmoudi. “Il faudrait vite sortir du cadre de la loi, car la loi n'est faite que pour le capitalisme et l'argent… Si les choses continuent comme elles sont, le dieu-profit deviendra de plus en plus puissant et donc de plus en plus agressif”… (Propos tenu le 12.02.2018 à Besançon). 

                Le sociologue avait raison, seule une sortie de la loi, du cadre, du modèle a pu rétablir un minimum vital de justice, d’équité, de démocratie, de santé, de paix. Où il avait tort, c’était de croire que la raison finirait par avoir raison du capitalisme. C’est la peur, la nécessité, l’urgence qui a déstabilisé le capitalisme, qui a entraîné les foules vers la recherche d’un avenir hypothétique, qui les a sortis de la critique si rassurante du vieux monde. Le dos au mur, l’Homme est soudain devenu intelligent…  

 

Impôt : Prélèvement obligatoire effectué par la puissance publique sur les ressources des personnes (du latin imponere, imposer ou tromper !). Généralement, l’impôt est justifié par le bien commun (investissements collectifs de défense, de gestion, d’infrastructures). L’impôt n’a cessé de conditionner l'existence des peuples et la gestion des États. Ces prélèvements pouvaient être en nature (une part de la récolte, de la production), en travail (corvées) ou en argent. Que la puissance publique soit royale, religieuse ou républicaine, l’impôt a toujours existé, a toujours été jugé excessif et injuste (au Moyen Âge, on utilisait le terme  d’imposteur plutôt que de percepteur…).

                On peut se demander si l’argent a été créé pour faciliter la perception de l’impôt ou si l’impôt a été inventé pour concentrer l’argent sur les tenants du pouvoir… Il est vrai que les plus pauvres subissaient une “pression fiscale”, un poids excessif d’impôts, tandis que les plus riches, ceux qui détenaient le pouvoir, bénéficiaient d’un “bouclier fiscal” et de “paradis fiscaux” leur permettant de ne pas participer au pot commun ou de détourner leurs avoirs dans des lieux à faible fiscalité. Le jeu des riches pour payer le moins d’impôts possible et donc pour reporter leur part sur les moins riches était pudiquement appelé “optimisation fiscale”, ce qui permettait de faire passer les pratiques les plus obscènes, voire illégales, pour de la saine gestion financière.

                Jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, les partis de gauche se sont contentés de chercher mille aménagements de la fiscalité pour rendre l’impôt plus juste, plus équitable ou pour l’utiliser à des fins de réparation des dégâts du capitalisme : taxes carbone, taxes Tobin, taxes sociales, qui se sont avérées être des droits à polluer, à spéculer, à asservir… Mais, le principe même de l’impôt qui consistait à pressurer les peuples pour des actions dont ils n’avaient aucun contrôle, n’était pas remis en cause.

                Le paradoxe de l’argent qui induisait des dépenses collectives, pouvait atteindre l’absurde situation d’un coût supérieur à la valeur réelle et cela n’étonnait guère. Ainsi, la gestion d’une taxe coutant plus d’argent que ce à quoi elle était destinée n’était pas rare. Mais comment un État s’en serait-il ému quand il fabriquait lui-même des pièces de monnaies de 20 centimes qui lui coutaient le triple à fondre, graver, distribuer ?…

                L’impôt à la fin de l’ère monétaire avait prix des formes multiples, tout pouvant être assujetti à un prélèvement quelconque : pour garer sa voiture, des parcmètres (machine à sous que l’on payait en fonction du temps de stationnement, aussi appelés horodateurs) ; pour une nuit d’hôtel, une taxe de séjour ; pour tout achat, la TVA (taxe sur la valeur ajoutée, l’un des impôts les plus inégalitaires qui ait été créé) ; pour se déplacer, les péages (sur les routes, les ponts, les tunnels) ; pour se loger, taxes foncières (en fonction de l’étendue du logis) et taxes d’habitation (pour les locataires et les propriétaires) ; pour exercer un métier, les taxes professionnelles…, sans compter les multiples amendes en cas d’infraction aux divers codes !

                Chose étonnante, quand l’argent a disparu et avec lui la valeur et l’impôt, beaucoup se sont acharnés à réintroduire un impôt déguisé. Un important mouvement s’est constitué autour d’une sorte de “corvée”, c’est-à-dire d’impôt par le travail, par l’activité imposée à l’effort de vie communautaire. Pour avoir droit aux bienfaits de la société, il faut donner une part de son énergie, de son temps, de ses compétences au bien commun, pensait-on. Cette fausse bonne idée entraînait si vite des mécanismes d’exclusion et des échelles de valeur entre les différentes participations individuelles qu’elle fut abandonnée. Elle était trop contraire à l’idée de l’accès “sans condition”…

                Ce qui subsiste aujourd’hui de l’idée d’impôt se retrouve dans les grands chantiers collectifs et dans les services communautaires. Il faut bien arriver à rassembler des hommes, des savoirs, des matériaux pour entretenir une voie de chemin de fer, construire un bâtiment destiné à la santé ou l’éducation, réparer les dégâts après une catastrophe naturelle. Mais ces “impôts” ne sont pas imposés. Simplement, si la quantité de main d’œuvre et de matériaux n’était pas réunis, le projet ne se réalisait pas et la communauté en subissait les conséquences…, généralement peu de temps. L’intérêt collectif rejoint la plupart du temps l’intérêt privé quand il n’y a pas d’enrichissement possible !

 

Individualisme : L’individualisme est peut-être ce qui a le plus profondément marqué la fin de l’Ancien Régime. Le libéralisme s’est en effet ingénié à briser toute action collective au profit de ce que l’on pourrait appeler un “individualisme de masse”. En 2018, le débat qui eut lieu autour d’une ZAD (Notre Dame Des Landes) est resté emblématique. D’un côté l’État  réclamait aux zadistes des projets individuels pour obtenir le droit de vivre légalement sur cette zone, de l’autre les zadistes proposaient un projet collectif dans la continuation de ce qu’ils avaient réalisé durant des années. La légalité d’un côté, la légitimité de l’autre, la propriété privée d’un côté, les communs de l’autre.

                Longtemps le débat s’est perdu dans des considérations oiseuses, de la part de l’État qui redoutait qu’une compréhension de l’enjeu ne mette à jour ce qui se cachait derrière la Loi, la Constitution, les grands Principes républicains. De la part des zadistes, beaucoup peinaient à comprendre la question de fond, celle d’une impossibilité ontologique pour un gouvernement d’accepter un collectif, poison mortel pour le libéralisme. L’histoire a prouvé que les zadistes avaient raison de s’accrocher au collectif, qu’eux seuls étaient dans “le sens de l’histoire”, bien que certains n’en aient eu qu’une conscience incertaine. Il faut dire que ces zadistes étaient en 2018 dans un contexte où, pour la grande majorité des citoyens, l’individu, seul au monde, n’entrevoyait comme horizon que l’extension indéfinie de ses droits individuels,  où toute limite posée, par la réalité ou par les autres, était devenue une entrave insupportable à son désir de liberté, où les rapports sociaux étaient réduits à celui qu’entretenaient les marchandises, leur prix ou leur valeur respective…

                Même au sein des mouvements les plus contestataires, l’individualisme fut érigé en vérité révélée, en impératif catégorique. Le slogan “Changer les pratiques individuelles pour sauver le monde” a été repris dans tous les domaines comme une condition incontournable à toute révolution. Pourtant, aucun événement historique n’étayait cette croyance, aucun fait avéré ne montrait qu’un changement individuel eut un jour induit un changement social. Bien au contraire, tous les changements individuels perceptibles dans les sociétés ont toujours été précédés de nouveautés techniques, scientifiques, politiques. Un Saint François d’Assises, malgré l’immense notoriété dont il a bénéficié, l‘immense pouvoir de l’institution franciscaine qu’il mit au jour, ont certainement moins changé les mentalités en plusieurs siècles que ne l’a fait le chemin de fer en quelques années !

                Mais les faits ont beau être têtus, l’homme a toujours la capacité de ne pas les entendre et être une poignée à ramer à contre-courant d’une foule n’a  jamais été un exercice aisé ! 

   

Industrie : Jusqu’au 18e siècle, on voyait dans les contrats de mariage signés devant notaire, que la futur épouse “se garde pour son usage personnel ce qu’elle a gagné de son industrie…” La demoiselle n’était pas chef d’entreprise mais avait généralement gardé les moutons, réalisé quelques travaux d’aiguille ou fait le ménage chez le dit notaire. C’était son savoir-faire qui était ainsi reconnu, ses compétences, son habileté. Du métier dont on tire ses moyens d’existence, on est passé à l’industrie moderne, l’usine, la production de masse, le travail en série. L’homme est passé au second plan, la production au premier. Toute la fin de l’Ancien Régime a été marquée par ce constat de la déshumanisation industrielle et de la nécessité de remettre l’homme au centre des préoccupations. Or, remettre l’homme au centre, c’était encore faire la part belle à l’individualisme et instrumentaliser la nature.

                Le totalitarisme industriel qui se croyait au-dessus de la nature autant que de l’humain, ne pouvait  survivre indéfiniment. La disparition de l’échange marchand et de son outil monétaire ont radicalement changé la donne. La nécessité de produire en grande quantité, d’en envahir le monde, d’imposer cette production a disparu avec l’argent. Il s’agit simplement de répondre à une demande, dans le respect de la nature, en fonction d’une situation précise du monde et de ses ressources. L’homme n’est plus le centre mais un point quelconque dans la sphère du vivant. De fait, son industrie a repris le sens qu’elle avait dans les vieux contrats de mariage !

   

Inégalités sociales : Dès la fin de la deuxième décennie du XXIe siècle, les inégalités sont devenues absurdes et obscènes. L’homme le plus riche, l’américain Jeff Bezos, fondateur de la vente en ligne Amazon, gagnait en 2017, 328 millions par jour, 13,6 millions par heure, 228 000 dollars  par minute ou, si l’on veut, 3 800 dollars par seconde, quand un ouvrier du textile au Bangladesh gagnait en moyenne 61 dollars par mois. En France, 10% des plus riches percevaient plus du quart du total des revenus… Cette constatation aurait pu suffire à provoquer une Révolution si le capitalisme n’avait réussi à se faire aimer des plus pauvres, si chaque citoyen n’était devenu complice consentant ou inconscient du système, serviteur volontaire. 

                Dans la théorie économique néolibérale, il était admis que les inégalités avaient un rôle positif dans la mesure où les pauvres étaient motivés pour créer de la richesse, où les jeunes générations choisissaient de faire fonctionner l’ascenseur social, dans le cadre de la liberté des échanges et de la mondialisation. Ce discours pourtant si bien défendu par les élites était d’une hypocrisie crasse, les chances de s’enrichir, de monter dans l’échelle sociale étant à peu près égales aux chances de gagner le gros lot dans une loterie !

                Comment des individus baignant dans la spéculation en vue d’un accroissement de richesse ont pu tenir des discours aussi incohérents que celui du “self-made-man” accessible à tous ? En théorie, celui qui savait économiser, même sur un revenu de misère, pouvait ensuite spéculer. Encore fallait-il en avoir assez pour en garder une partie ! La réalité a toujours été qu’il faut beaucoup de pauvres pour qu'un riche soit riche, et donc que le nombre de pauvres augmente. Les tenants de la monnaie fondante, qui ont si longtemps retardé une possible désargence et refusaient d’admettre cette évidence, ont sans doute résisté non par handicap logique mais par peur de ce que l’abolition de l’argent risquait entraîner dans d’autres domaines que l’économie (l’État, la propriété, la valeur…).       

 

Inflation : L’inflation était une perte de valeur de la monnaie et donc d’une augmentation relative des prix. Certaines périodes inflationnistes sont restées célèbres : celle de la République de Weimar en 1923, celle du Chili en 1973, celle du Nicaragua en 1988, celle du Zimbabwe en 2008, du Venezuela en 2018… Quand le prix d’un timbre-poste atteint 10 millions de marks comme dans l’Allemagne d’après-guerre, plus rien ne peut fonctionner. On parle dans ces cas-là d’une hyperinflation qui se caractérise par le fait qu’elle est incontrôlable et ne se résout que par un changement complet de système et de monnaie, par des réformes structurelles drastiques.

                C’est une hyperinflation qui est à l’origine de la Grande Crise, avec cette particularité que l’économie s’étant mondialisée, l’effet domino a joué en plein et a entraîné la chute de toutes les nations, les unes après les autres. Les recours habituels, l’aide venue de l’étranger ou des instances internationales ne pouvait plus fonctionner. S’appuyant sur des présupposés non vérifiés par l’expérience, les économistes d’avant la Grande Crise avaient, en grande majorité,  affirmé que l’hyperinflation était toujours suivie d’une période déflationniste bénéfique à l’humanité. C’était sans compter sur la globalisation de l’économie et de tous les effondrements concomitants (écologiques, énergétique, démographiques…).

                L’inflation a souvent été opposée à la déflation, c’est-à-dire à la rareté excessive de l‘argent, contrairement aux quantités considérables d’argent en circulation lors d’une inflation, mais dévalorisées. En réalité, les deux situations mènent l’une à l’autre et sont tout autant impossibles à résoudre de l’intérieur du pays qui en est atteint. Quand l’économie s’est mondialisée, inflation et déflation ont mécaniquement pris une dimension mondiale. Plus aucun recours n’étant possible, ni dans le système, ni par une aide extérieure, le krach était inévitable…

                Pourtant, ce qui était inévitable est resté jusqu’au bout hypothétique, en dépit de toute réalité, avec des analyses pertinentes et des conclusions étrangement classiques. En 2011, l’économiste James Turk écrivait : “Je ne suis pas prophète mais la tendance est claire. Nous allons vers une hyperinflation mondiale. Nous faisons la même chose que les Allemands sous la République de Weimar. Nous achetons des emprunts d’Etat avec de l’argent fraîchement imprimé. C’est ce que font la BCE, la FED et la Banque d’Angleterre…“ On s’attendrait à quelques propositions radicalement nouvelles. Or, sa réponse est la suivante : “Les monnaies s’effondreront et l’or retrouvera, après 100 ans, son rôle traditionnel au centre du système monétaire.”  La seule explication à cet aveuglement qui consiste à faire quelques pas en arrière pour reprendre le même chemin ne peut s’expliquer que par un intérêt personnel à voir les cours de l’or, de l’argent, du platine s’envoler…

                                    

Informatique : Dès le début de la Grande Crise, l’idée d’une informatisation de la totalité des données et de leur mise en accès libre a été le socle permettant d’imaginer une sortie possible de l’échange marchand. En revanche, la puissance acquise par les GAFAM (Google, Appel, Facebook, Amazon, Microsoft) faisait peur et beaucoup craignait qu’une même technologie, avec ou sans argent, ne revienne au même résultat : une puissance invasive et impersonnelle, un contrôle des consciences, un pouvoir pire que celui de l’argent…

                Pourtant, la révolution numérique ne fut pas la première à augmenter les capacités stockage et de traitement de l’information. Ce que fait le cerveau à ce niveau (l’imagination en plus), n’a pas été perturbé par l’invention de l’écriture, par l’irruption de l’imprimerie. Ces deux  fonctions ont considérablement augmenté ce que la mémoire humaine et le langage permettait déjà. En quoi l’informatique serait-il plus nocif, plus dangereux ? Qu’il ait été perverti par l’argent, le profit, la concurrence, nul n’en doute. Mais le scribe puis l’imprimeur aussi ont tiré profit de leur capacité à stocker, traiter, transmettre de l’information.

                Faute d’argent et de profits les GAFAM se sont aujourd’hui reconvertis, non par conviction mais par défaut. L’informatique a donc pris la place qui lui revient de facilitateur du stockage et de la circulation des informations, cette fois pour le bien commun.

 

Innovation : Le chercheur en biomimétisme Idriss Aberkane expliquait jadis que toutes les grandes innovations que le monde a connu sont toutes passées par trois étapes : « c’est ridicule, c’est dangereux, c’est naturel ». Si l’on regarde bien, c’est aussi vrai pour l’abolition de l’esclavage que pour le chemin de fer, pour le vote des femmes que pour l’héliocentrisme. L’expérience de la désargence a donné raison au chercheur et l’on constate qu’elle a bien fait rire quand elle était l’idée fixe de quelques hurluberlus, qu’elle a ensuite fait peur quand on a compris qu’elle risquait de mettre à bas quantité d’usages réputés éternels et de valeurs universelles, et qu’enfin, nous avons fini par la trouver normale, logique, au point que l’on s’est vite demandé comment nous avions pu passer à côté si longtemps ! 

 

Intelligence Artificielle : (IA) Tout ce qui touche à la robotique, au transhumanisme, aux algorithmes, a soulevé des débats sans fin dès le début du XXIe siècle. Cette puissance capable de supplanter tout jugement, tout libre arbitre ne pouvait se concevoir qu’en parallèle avec une “impuissance” supposée de l’homme. Pourtant, l’Intelligence artificielle ne brillait pas par l’intelligence comme son nom pouvait le laisser croire, mais par sa rapidité et sa mémoire. Le débat s’est estompé quand les “machines” n’ont plus été dévoyées par les profits financiers, quand elles ont devenues utiles au lieu d’être rentables, quand elles ont libéré l’homme de nombreuses tâches pénibles et répétitives, quand elles lui ont laissé le temps de créer, d’inventer, de rêver…

                  

Insécurité : Sentiment fait d’une anxiété ou d’une peur que ressent un individu, ou une collectivité, face à ce qui peut advenir. L’insécurité n’a donc pas besoin d’un réel danger pour exister. A la fin du système monétaire, les différents pouvoirs ont utilisé ce sentiment à un point difficilement imaginable. La peur du terrorisme a permis la mise en place d’un contrôle et d’une répression féroce. La peur de l’immigré a effacé toute empathie. La peur de la misère a fait accepter les pires pratiques de concurrence au sein des entreprises, entre les États, entre individus. La peur de l’avenir incertain a poussé la majorité vers un conservatisme  frileux…

                Le sentiment d’insécurité est à ce point contagieux que peu y ont échappé. Souvent à leur insu, les médias entretenaient cette peur diffuse à propos de tout et n’importe quoi. Beaucoup d’intellectuels se sont eux-mêmes piégés dans le regret d’un passé  mythique où tout était mieux, perdant même la capacité à déceler ce qui pouvait rester de bon, de beau, de bien dans cette modernité affolante.

                C’est dans l’action, qui s’imposait du simple fait d’un réflexe de survie, que ce sentiment généralisé d’insécurité s’est peu à peu dissipé, alors que tout au contraire semblait nous y porter. Devoir tout réinventer, tout discuter, alors qu’aucune certitude n’était possible, qu’aucun exemple était à suivre, qu’aucune expérience n’étayait des choix essentiels, fut avant la Grande Crise, motif à insécurité et pendant la crise remède à l’insécurité…     

                 

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