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Désargence.over-blog.com

“La monnaie miraculeuse.”

24 Avril 2020, 16:53pm

Publié par AUPETITGENDRE Jean-François

Long métrage de 1:28:04, réalisé par le cinéaste allemand Urs Egger en 2018, sous le titre “ Das Wunder von Wörgl ” (La Merveille de Wörgl). Intégral du film ici:   Voir

 

                Wörgl est une ville autrichienne du district de Kufstein, située dans la vallée de l'Inn au Tyrol. En 1932, l'Europe est ravagée par une crise économique sans précédent. Il n'y a plus de travail nulle part. Le village de Wörgl meurt à petit feu, faute de pouvoir faire repartir son usine. Le nouveau bourgmestre, Michaël Unterguggenberger, décide de créer une monnaie locale et relance l'activité de la commune. Il s’appuie sur le livre de Silvio Gesell, un théoricien monétaire allemand,  influencé par Proudhon, initiateur de la monnaie franche (“L’Ordre économique naturel” publié en 1916). Cette réussite ne plaît pas à tout le monde. Certains habitants pensent en effet que seul le Parti national-socialiste peut sauver le pays. C'est notamment le cas du propre fils de Michael, qui s'oppose violemment à son initiative. La monnaie locale de Michaël, malgré son réel succès (ou à cause de son succès) sera vite interdite par voie de justice. L’histoire, sûrement romancée par le cinéaste, est toutefois bien réelle. Pudiquement appelée Certificat de travail (CT) cette monnaie a été reconnue fausse et illégale, et Michaël n’échappa à la prison qu’en raison de son état de santé et de son âge.

                La limite du certificat de travail, c’est qu’une monnaie donne un immense pouvoir à celui qui a le privilège de la créer. Tant qu’elle est locale et ne dérange pas, elle peut être tolérée,  mais  dès qu’elle prend de l’ampleur, elle est combattue, surtout si  elle remet en cause la financiarisation, la spéculation, la thésaurisation. 

                Il y aurait eu une issue après l’interdiction des CT par le tribunal, c’est que la commune passe ensuite à la gratuité à l’intérieur du village et garde la monnaie nationale uniquement pour les transactions à l’extérieur de la commune. En limitant au strict minimum les échanges marchands avec l’extérieur cela aurait pu être possible. Mais il reste ensuite tous les frais incompressibles vis-à-vis de l’État : avec quel argent les payer ? Ce ne serait possible que si le village produisait plus qu’il n’a besoin et vendait à l’extérieur contre de la monnaie nationale. C’est une hypothèse cependant peu réaliste, un village ne pouvant lutter contre les intérêts d’un État, de ses banques, de ses oligarques. Aucune monnaie ne peut être sociale, solidaire, juste, même “miraculeuse” ! Une autre monnaie parallèle a connu un franc succès en Suisse, le Wir. Fondée en 1934 par un groupe d’industriels, elle rassemble aujourd’hui 60 000 PME et a pignon sur rue à Bâle. Mais à la longue, elle a traversé des crises fort semblables à celles de toutes les monnaies classiques…

                 Une désargence, seule solution durablement sociale, ne sera sans doute possible qu’à l’occasion d’une crise mondiale atteignant la finance elle-même (une hyperinflation par exemple, voire une hyper déflation), comme les CT ont été possibles, un temps, dans le cas de la grande dépression de 1932 en Allemagne et Autriche. Mais l’effondrement total de nos sociétés, de plus en plus admis par des scientifiques et des penseurs de tous bords, permet de penser que la désargence a quelques chances de devenir au goût du jour, surtout avec les capacités actuelles du numérique qui permet une gestion des ressources et des besoins, pensable autant localement que globalement…  

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