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Désargence.over-blog.com

L'économie vue du musée archéologique d'Arless

10 Décembre 2019, 15:51pm

Publié par Jef

 

                Il est fréquent d’entendre des gens très sérieux et cultivés nous dire que les dérives actuelles du capitalisme sont récentes, tout comme celles de l’industrialisation mondialisée ou comme l’omniprésence de l’argent dans la vie quotidienne. Il se trouve que le Musée archéologique d’Arles a eu l’excellente idée de présenter ses collections par thèmes : médecine, commerce, art, politique, vie quotidienne, etc.

                On découvre ainsi une étonnante vie économique de la période gallo-romaine, entre le 1er et le 3ème siècle après J.-C. : l’organisation de vastes domaines de structure capitaliste, un immense moulin à grain industriel, un artisanat urbain brillant et diversifié, d’immenses chantiers de construction navale, l’eau courante dans les habitations, des mouvements importants de capitaux (souvent prêtés aux négociants avec usure). Le  commerce international était actif, avec les épices venant de Turquie, d’Égypte, de Syrie, des Indes, le verre et les poteries venant de Rhodes ou de Crète, l’exportation de vins et d’huile sur tout le pourtour méditerranéen, du fer en provenance de la Narbonnaise.

                Le commerce était strictement réglementé et tous les échanges étaient contrôlés, puis taxés  par l’administration (parfois jusqu’au quarantième des cargaisons). Il arrivait que de grandes quantités de marchandises soient mises sous douanes, sous scellés de plomb impériaux. Les naviculaires (armateurs et hommes d’affaires) étaient des hommes puissants avec toutes les corruptions des politiques, tous les usages de clientélisme que nous connaissons aujourd’hui. Certaines vitrines du musée montrent la grande diversité de pièces de monnaies qui circulaient dans la ville d’Arles, romaines et gauloises certes, mais aussi venues de pays lointains, et même quelques beaux exemples de faux monnayage.

                Les parallèles que l’on peut faire entre les échanges marchands de l’époque gallo-romaine et aujourd’hui sont nombreux et étonnants. Ils montrent aussi bien l’ingéniosité développée par les marchands que les conséquences de ce haut développement : inégalités sociales, privilèges sociaux et politiques, pouvoir des uns et exploitation des autres…

                Au vu de la sophistication des règles et des lois, on peut, sans prendre de risques historiques ni faire des anachronismes, penser que l’échange marchand et son médium de l’argent développe inéluctablement des effets tantôt bénéfiques et tantôt pervers  auxquels nul ne peut raisonnablement échapper, pas plus en Arles des premiers siècles qu’à Paris, à la City ou Wall Street d'aujourd'hui…

                Il est donc vain de s’acharner à inventer des cadres régulateurs, des économies sociales et solidaires, des configurations politiques à vocation égalitaire. C’est bien ce que tend à démontrer l’anthropologue David Graeber dans son étude sur une pratique de la dette datant de 5 000 ans !                 

        Pourquoi donc ces théories économiques réformistes font-elles encore recette, sinon parce que l’idée  de sortir du paradigme premier de l’argent et de l’échange marchand provoque une peur irraisonnée et déraisonnable…

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